Question : Est-ce que le casino des officiers change quelque chose au type de jeu qu'est Ogame ?
Je dirais qu'il existe quatre types de jeux:
- ceux où l'on paye un droit d'entrée pour « faire un tour » d'amusement
- ceux qui fonctionnent sur le mode de l'échange et où l'on ne peut pas gagner ni perdre
- ceux où l'on joue en investissant ses biens propres: ce sont les jeux d'argent. Ensuite, des règles de résolution disent qui gagne et accessoirement, qui repart avec des biens matériels
- ceux où chacun des participants investit son intelligence, sa force, sa mémoire, etc. et dans lesquels ces diverses qualités sont confrontées
Jusqu'à présent, Ogame faisait partie de la quatrième catégorie (bien qu'on puisse également y jouer dans l'esprit de la seconde), sans droits d'entrée, financé en grande partie par la publicité et par le bénévolat.
On ajoutera que son appartenance partielle à la deuxième catégorie implique que Ogame est également un jeu participatif puisque chaque joueur, par son effort, participe à l'existence et à l'animation des univers. Pour cette première raison, il semble incongru de demander aux joueurs une participation financière car tous les joueurs contribuent quotidiennement à la construction de ce jeu.
En imposant à ses participants le système du Casino des Officiers, Gameforge transforme Ogame au moins en partie, en jeu de la troisième catégorie, c'est à dire en jeu d'argent. Je voudrais signaler ici un jeu à succès qui a pris ce parti dès le départ: il s'agit de MonLegionnaire. Se présentant comme un jeu participatif, MonLegionnaire est en réalité un jeu d'argent, certes partiel, mais c'est justement ce côté insidieux qui est en cause à mon avis. De l'expérience MonLegionnaire, on retiendra surtout la versatilité de son public: les joueurs ne se fidélisent pas à un jeu d'argent comme MonLegionnaire parce qu'ils finissent par réagir contre le principe de jeu d'argent et l'ambiguïté dans ces conditions, du terme participatif.
Il est étonnant que l'Etat, si sévère lorsqu'il s'agit de contrôler les jeux d'argent, soit totalement impuissant face à ces jeux issus de la « nouvelle économie » qui ne sont au fond, que des loteries déguisées. Le choix du mot « Casino » de la part de Gameforge est encore plus stupéfiant. S'agit-il d'un lapsus ? Car sous cette forme, Ogame devient bien un jeu d'argent qui devrait être soumis au même contrôle de l'Etat que les véritables casinos et la Loterie Nationale.
En prenant l'initiative de jouer sur ces ambiguïtés de la nouvelle économie, Gameforge fait le choix d'une économie non régulée, peu soucieuse de débattre des conséquences de ses décisions sur la société qui les subit. Les familles qui sont déjà contraintes de débourser des abonnements pour que leurs enfants jouent à World of Warcraft, n'ont pas choisi de voir s'installer chez eux, par le biais de jeux en lignes, de véritables jeux d'argent. J'ai lu plus haut que des lycéens qui payaient déjà des Comptes Commandant (qui entrent dans la première catégorie de jeux) pour pouvoir continuer à compter dans leur univers d'Ogame, sont déjà en train de payer pour disposer d'Officiers du Casino des Officiers. Ce faisant, ils ont insensiblement glissé vers un jeu d'argent dans lequel ils investissent les biens de leurs parents (le plus souvent, et ceci n'est qu'un facteur aggravant) dans l'espoir d'augmenter leurs chances de gagner. Il ne manque plus qu'un système de cadeaux ou de récompenses (en réalité un système de gains) pour aller au bout de cette logique.
Un pas a déjà été fait en cette direction.